-Hé ! Hééé !!Arckmire poussa un grognement rauque, il n'en était pas à son coup d'essai mais pourtant l'impression que son crâne était en train de se disloquer lentement en laissant s'échapper sa cervelle en fusion lui était toujours aussi insupportable.
- J'aurai pu te croire mort si tu n'avais pas ronflé si fort !Daignant enfin ouvrir les yeux, Arckmire fut autant surpris que déconcerté de voir cette jeune femme nue assise à coté de lui sur le lit.
- Euuhh ...Elle esquissa un sourire, puis se pencha pour venir déposer un baiser sur les lèvres du jeune magicien.
- Il faut que j'y aille, j'espère qu'on se reverra vite !Elle se leva puis commença à se rhabiller.
Arckmire avait décidément très mal au crâne, mais il se leva lui aussi tant bien que mal et se dirigea vers la commode pour y attraper sa bourse.
- Combien je te dois ? dit-il.
Le sourire angélique de la demoiselle se figea en un instant, ses joues se tintèrent de rose et les larmes lui montèrent aux yeux.
-... - Alors c'est tout, tu me prends juste pour une putain ?? Très bien ...Rouge de colère, elle traversa la pièce à grands pas et claqua la porte avec force.
Toujours debout à coté du lit, Arckmire ne sembla pas avoir eut le temps de saisir ce qu'il venait de se passer ... c'est dommage, songea-t-il ; elle était plutôt jolie avec ses longs cheveux blonds et ses jolis yeux bleus ...
Après s'être fait un brin de toilette et avoir rassemblé ses affaires, le jeune homme quitta sa chambre et descendit les quelques marches qui menaient au comptoir de la taverne dans laquelle il venait de passer la nuit.
Bien que quelque peu rustique, l'endroit était tout à fait agréable et relativement cossu avec ses colonnes de pierre et la cheminée sculptée qui faisait d'ailleurs sa renommée, tant par son aspect esthétique que par sa taille impressionnante.
Alors qu'Arckmire fouillait dans ses poches pour y trouver quelque pièces, le tenancier de l'établissement sorti de ce qui semblait être la cave pour prendre place derrière le comptoir.
- Toi tu as passé une bonne soirée ! lança-t-il de sa voix grave et rappeuse.
-Euh oui, oui certainement ! Répondit Arckmire en déposant une poignée d'or devant lui.
Le tavernier poursuivi le sourire aux lèvres :
- ça faisait bien longtemps qu'on t'avais plus vu ici jeune seigneur, les affaires reprennent ?Esquissant à son tour un sourire, le magicien répondit autant pour son interlocuteur que pour lui-même :
- Disons qu'elles n'ont jamais réellement cessé ...Puis il tourna les talons et se dirigea vers la porte.
Après quelques pas, Arckmire se rendit compte qu'il était encore beaucoup trop tôt pour déranger qui que ce soit ... Toujours très relativiste, le jeune homme se décida donc à attendre, tout simplement.
Il trouva finalement à s'asseoir sur une devanture de boutique ; plus que les animaux morts et autres organes empaillés qui étaient exposés à l'intérieur c'était d'ailleurs son reflet sur la vitrine qui l'interpellait ...
Le visage fin d'ordinaire angélique du jeune homme semblait plutôt lugubre en cet instant : le teint blafard et les cernes prononcées semblaient accabler ses yeux d'un bleu électrique. Il tenta d'arranger avec plus ou moins de succès ses cheveux noirs ; puis le jeune garçon attendit que le soleil pointe à l'horizon en se laissant emporter par ses pensées...
Il n'avait pas eut réellement le temps d'y réfléchir depuis son arrivée, mais au final Arckmire était plutôt content de fouler à nouveau le sol de la "Capitale" de Sombrios ; Oh bien sur la citée n'avait rien de comparable avec la richesse architecturale et historique de Nedmor, ni même avec l’opulence des commerces de Cyrosh ; d'ailleurs à dire vrai c'était même tout l'inverse : Sombrios était une ville sombre, construite par des Brigands pour des Brigands. Ce qui séduisait tant le jeune magicien c'était plutôt le coté révolutioniste de la citée ; au delà des Bandits de grand chemin et des coupe-jarrets qui arpentaient ses rues, c'est à Sombrios que l'on retrouvait le plus grand nombre de libres penseurs : Magiciens noirs, Scientifiques, Hommes de foi, Philosophes et bien d'autres ... Il n'y avait ici aucune règles ni aucune loi pour interdire à ces savants d'exprimer librement leur pensée ; c'était malheureusement loin d'être le cas dans le reste du royaume, et c'est en ce sens là qu'Arckmire affectionnait la capitale Brigande.
- Spoiler:
Le jeune homme se plaçait d'ailleurs lui-même parmi ces libres penseurs, sans aucune forme de vantardise cependant ; bien au contraire, car là était son plus lourd fardeau ....
Arckmire avait toujours été un garçon épanoui ; un touche à tout qui s'intéressait aussi bien aux Sciences qu' aux Mathématiques, à la Philosophie, la Psychologie, l'éthologie, ...
Mais tout ce qui avait fait de lui un garçon des plus studieux était aujourd'hui la flamme qui consumait son esprit.
Le jeune homme avait en effet développé une sorte d'obsession qu'il qualifiait lui même de "Rationalisme Poussé à l'Extreme" ; il s'évertuait à trouver la finalité en toute chose, afin de pouvoir quantifier les événements et ainsi les classer entre eux.
De manière plus concrète, tout ceci se traduisait en une avalanche de questions qu'il se posait à lui même : Pourquoi ? Comment ? Dans quel but ?
Si tout ceci pouvait paraître sans conséquences c'était une torture pour le magicien : sa nature soucieuse et son manque de confiance en soit avaient énormément de mal à cohabiter avec un esprit si vif et si tranchant qui n'était régit que par l'instinct et la soif compulsive de vérité.
Quel est le but de sa vie ?
Quel est le but de la vie elle même ?
Quel intérêt y'a-t-il à vivre puisque nous mourrons un jour ?
Faut-il vivre heureux pour ne pas mener une existence vaine ou bien est-ce que le bonheur n'est qu'un écran de fumée qui nous fait oublier un instant que la vie est elle même quelque chose de cruel et de froid ?
Autant de questions aussi complexes qu'insolubles qui ne cessent pourtant de le traverser indépendamment de sa volonté comme des éclairs, entraînant le brouhaha incessant et assourdissant qu'est le tonnerre.
A la fois rongé par l'épuisement, la frustration de ne trouver aucunes réponses à ses questions et par la tempête furieuse de son esprit bouillonnant qui semblait dilapider sa chaire en chaque instant, Arckmire s'était lui même condamné à une vie de pénitence silencieuse dans laquelle il ne fallait rien laisser paraître, car tout ceci était compliqué, bien trop compliqué pour pouvoir être compris par qui que ce soit.
N'abandonnant pourtant pas l'espoir de comprendre l'origine du mal qui le rongeait, le jeune homme était persuadé, du moins voulait se persuader ; de ne pas être le seul à endurer ceci. C'est ainsi qu'il s'était mit il y a plusieurs mois maintenant, à la recherche d'un érudit en mesure de lui expliquer l'origine de ses maux et de les apaiser.
Ne pouvant plus depuis bien longtemps endurer ces souffrances psychiques et physiques à longueur de temps, Arckmire avait trouvé un remède provisoire assez peu glorieux qui semblait pourtant apaiser son esprit tourmenté : l'alcool.
De deux maux le garçon avait choisit le moindre, il s'était donc laissé emporté par les bienfaits de l'alcool et la sensation de paix intérieure que celui-ci lui apportait temporairement.
Il avait d'ailleurs entendu parler d'une naine dont le nom était Blasphème, qui cherchait à rassembler un groupe d'esprits vifs pour ... pour une raison obscure qui échappait au jeune homme ; mais peu lui en importait pour l'instant, il voulait avant tout rencontrer cette naine et ses camarades pour voir si l'un d'entre eux pouvait lui apporter son aide.
Arckmire sursauta, immergeant doucement de ses songes, il se rendit compte que le soleil était déjà bien haut dans le ciel.
Sans plus attendre il se mit donc en route vers la mansarde qui lui avait été indiquée.
Le chemin était plus long que ce à quoi il s'était attendu, mais le magicien arriva finalement devant la maison qui lui avait été indiqué sans souci majeur (si ce n'est une très belle veste brodée de fils d'or qu'il avait malencontreusement accroché dans une branche de ronces ...).
La mansarde semblait quelque peu délabrée, et il y avait un écriteau piqué à l'entrée sur lequel on pouvait lire "Les Fabulistes du Muselet".
Intrigué par la bâtisse, Arckmire poussa sans plus attendre la porte en bois et pénétra dans la maisonnée sans se douter un instant de ce qui l'attendait ....